Bonne ou mauvaise tête d’Henri IV?

Nous allons vous raconter l’histoire extraordinaire d’une tête momifiée, dont on a longtemps cru qu’elle appartenait au roi de France Henri IV. Cette histoire illustre la résistance d’une molécule d’ADN à l’usure du temps (il fût assassiné le 14 mai 1610), ainsi que la précision des résultats des tests ADN, l’éloignement entre les générations testées rendant l’exercice d’autant plus complexe.

Le résultat des analyses ADN a été publié le 9 octobre 20131 dans la revue the « European Journal of Human Genetics », une étude menée par l’équipe du généticien belge Jean-Jacques Cassiman (Université de Louvain) et de l’historien français Philippe Delorme.

Ce sont finalement les tests ADN du Chromosome Y (le test de lignée mâle) ainsi que celui de l’ADN mitochondrial (ADNmt ou test de la lignée maternelle) qui ont permis d’exclure la possibilité que la tête momifiée retrouvée soit bel et bien celle d’Henri IV roi de France. L’équipe a comparé l’ADN de cette tête avec celui de trois représentants vivants de la maison Bourbon, qui avaient tous trois pour ancêtre commun Louis XIII (le fils d’Henri IV) : Sixte-Henri de Bourbon-Parme (né en 1940), Axel de Bourbon-Parme (né en 1968, et Jean Henri d’Orléans-Bragance (né en 1954).

Tête momifiée attribuée ou pas au roi Henri IV« L’apparition » de la tête

Cette tête momifiée avait disparu depuis la révolution française lorsque les caveaux des familles royales furent profanées dans la basilique Saint Denis en 1793. On retrouva sa trace en 1919, lors d’une vente aux enchères à Drouot à Paris. Pendant des années, elle passa entre les mains de voleurs, d’acheteurs d’art ou de collectionneurs de reliques, pour être finalement confiée au Professeur Philippe Charlier, médecin légiste à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches et grand spécialiste des énigmes historique, qui entrepris son étude.

Authentification de la tête

Le Pr Charlier, fort d’une équipe de 19 chercheurs français authentifiait la tête comme celle d’Henri IV en décembre 2010 dans le « British Medical Journal ». La forme du crâne trouvé correspondait parfaitement au moulage mortuaire réalisé juste après l’assassinat du roi. De plus, les scientifiques savaient qu’Henri IV avait été embaumé sans que sont crâne ne soit ouvert, il avait donc été mieux conservé. L’analyse portait également sur des caractéristiques physiques bien connues du visage royal : il avait une cicatrice aux lèvres datant d’une autre tentative d’assassinat, une tache sombre sur le nez et avait porté une boucle sur son oreille droite.

Un premier test ADN qui relie la tête à Louis XVI

L’identification physiologique ne permettait pas d’avoir de certitude absolue. En 2012, l’équipe du Professeur Charlier a pu retrouver de l’ADN exploitable au fond de la gorge de la tête momifiée et l’envoya pour comparaison avec celui de Louis XVI (un peu de sang séché sur un mouchoir lui avait précédemment été attribué). Grâce aux appareils de séquençage génétique à haut débit des chercheurs de l’Institut de biologie de l’Evolution à Barcelone, « nous avons réussi à extraire une partie du matériel génétique d’Henri IV », explique Carles Lalueza-Fox. Nous avons notamment retrouvé 6 des 16 marqueurs du chromosome Y que nous avions identifié dans le sang de Louis XVI. » Les chercheurs espagnols ont ainsi confirmé le lien paternel, transmis par le chromosome Y, entre les deux rois, alors séparés par sept générations.

Et si le sang séché qui avait servi de référence n’était pas celui de Louis XVI ?

Pour cela, Jean-Jacques Cassiman et Philippe Delorme ont comparé l’ADN de la tête avec celui de descendants attestés de la famille Bourbon, notamment celui de Sixte-Henri et d’Axel de Bourbon-Parme. Le Professeur Cassiman cherche également des femmes de la famille d’Henri IV dont il subsisterait de l’ADN et trouve que la mère d’Henri IV est apparentée en lignée féminine à Marie-Antoinette, entre autres Habsbourg.

Résultats du test :

  • Les trois Bourbon ont le même chromosome Y, c’est le chromosome transmis de père en fils, qui a largement été identifié comme le « chromosome authentique des Bourbons »,
  • Ni la relique de sang séché ni la tête momifiée n’avaient pas ce chromosome Y authentique,
  • Le test de l’ADN mitochondrial (transmis par la mère à ses enfants garçon ou fille) a également confirmé la parenté entre les trois Bourbon vivants mais exclu que l’ADN de la tête momifiée soit celle d’Henri IV.

Comment le docteur Charlier a t’il pu trouver une correspondances entre l’ADN du sang et l’ADN de la tête ? Le Professeur Cassiman explique : « Ils ont pu identifier six fragments d’ADN du chromosome Y, dont trois réellement exploitables. Mais quand on observe la fréquence de ces trois fragments dans la population générale, pas mal d’hommes peuvent avoir cette combinaison de fragments dans leur chromosome Y ».

Conclusion :

Les tests ADN du chromosome Y et de l’ADNmt sont réalisables même après des siècles et des conditions de conservation des échantillons plutôt archaïques, la tête n’est donc pas celle d’Henri IV, de même que les reliques sanguines sur le mouchoir ne sont pas de Louis XVI. Le test ADN donne des résultats incontestables, encore faut il être certain de l’identité de la personne avec laquelle on compare les profils ADN! Le mystère de la tête et du sang séché sur le mouchoir reste entier: à qui appartiennent ils donc?

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