L’homme du mésolithique avait la peau sombre et les yeux bleus

L’homme du mésolithique avait les yeux bleus d’après son ADN. Son portrait a été dessiné grâce à son génome. Il avait la peau sombre et les yeux bleus.

La première reconstitution du génome d’un chasseur cueilleur européen:

Braña 1 est le nom donné à un chasseur-cueilleur qui a vécu il y a près de 7000 ans, à l’époque du Mésolithique. Les restes de deux hommes appelés Braña 1 et Braña 2 furent découverts dans une grotte sur le site de La Braña-Arintero à Valdelugueros (Nord-Ouest de l’Espagne) en 2006. La grotte se situe dans une région montagneuse froide aux températures stables, à 1500 mètres sous le niveau de la mer. Ces facteurs climatiques expliquent l’état de conservation exceptionnel de l’ADN des deux individus trouvés dedans.

L’âge des Braña et l’état de préservation de leur ADN étaient tellement exceptionnels qu’une équipe internationale d’une vingtaine de chercheurs a été réunie autour de Carles Lalueza-Fox (chercheur de l’Institut de biologie évolutive de Barcelone) et du Centre for Geo Genetics danois. Les travaux de l’équipe ont été publiés dans la revue Nature du mois de janvier 2014.

Grâce à une dent bien conservée, les chercheurs ont pu reconstituer la séquence ADN quasi complète de Braña 1. Le crâne a permis la reconstitution de son portrait robot, que l’équipe a même pu colorer, car les gènes indiquaient qu’il avait eu les yeux bleus, la peau et les cheveux foncés. Voici donc à quoi ressemblait cet homme du mésolithique, âgé de 35 ans tout au plus au moment de sa mort.

L’évolution du patrimoine génétique des chasseurs-cueilleurs :

Le Mésolithique est une période comprise il y a 10,000 et 5,000 ans (entre le Paléolithique et le Néolithique), qui a pris fin avec l’arrivée de l’agriculture et de l’élevage du Moyen-Orient. A l’époque du mésolithique, les hommes subsistaient grâce à la chasse et la cueillette. L’arrivée du Néolithique se caractérise par la modification du régime alimentaire – introduction de l’amidon (pommes de terres, céréales) et du lactose – et par l’exposition à des pathogènes transmis par les animaux domestiques. Les populations post-mésolitiques se sont ainsi adaptées à ces défis métaboliques et immunitaires, privilégiant les individus pouvant boire du lait et digérer l’amidon. L’examen génétique de Braña 1 a confirmé qu’il ne tolérait pas le lactose et qu’il était mal «équipé» pour digérer l’amidon.

Selon Lalueza-Fox « cependant notre plus grande surprise était de découvrir que cet individu possédait des versions africaines des gènes déterminant la couleur claire de la peau chez les européens. Cela indique que Braña 1 avait eu la peau foncée, même si on ne peut pas en connaitre la nuance exacte. »

Un chercheur de l’Institute of Evolutionary Biology de Barcelone ajoute : « Le plus surprenant encore était de découvrir que La Braña 1 avait les gènes qui s’expriment par des yeux bleus chez les actuels européens, il présente donc un phénotype unique dans un génome qui est clairement celui de l’Europe du nord. » En clair, on ne connaissait pas cette combinaison d’une peau sombre et des yeux bleus, jusqu’à présent, il était admis que les hommes préhistoriques avaient déjà la peau claire. Cette étude montre donc que le changement s’est produit bien plus tard, au moment du Néolitique, probablement suite à la modification du mode de vie des chasseurs-cueilleurs. Les chercheurs ont également constaté que Braña présentait déjà des caractères génétiques qui lui permettaient de résister à certains pathogènes et maladies – caractères encore présents chez les Européens modernes.

Il y a une continuité génétique entre les populations de l’Eurasie centrale et occidentale

L’étude du reste du patrimoine génétique suggère que les populations actuelles les plus proches du génome de La Braña 1 sont celles de l’Europe du Nord : Suède ou en Finlande. Ces travaux montrent également que La Braña 1 a un ancêtre commun avec les colons du site de Mal’ta près du Lac Baïkal en Sibérie, datant du Paléolitique supérieur. La comparaison a été faite avec le génome d’un enfant datant de 24,000 ans qui a été reconstitué il y a quelques mois.

Lalueza-Fox conclut : « ces données montrent bien qu’il y a une continuité génétique entre les populations de l’Eurasie centrale et de l’Eurasie occidentale. En fait ces données vont dans le sens des dernières découvertes archéologiques, il y a de grandes similitudes entre les restes récemment excavés en Europe et Russie, notamment des figures antropomorphes de Mal’ta appelées Vénus Paléolitique.

« L’équipe a maintenant pour objectif l’exploration des gènes de Braña 2, qui était moins bien préservé que le premier, pour continuer d’obtenir des informations sur les caractéristiques génétiques de ces premiers européens. » a déclaré Iñigo Olalde auteur principal de l’étude. Carles Lalueza-Fox confirme «Nous y travaillons très fort. Mais nous n’avons pas pu trouver pour le moment, un échantillon exploitable sur ce fossile. Nous pensons que ce deuxième squelette a été plus exposé à l’eau, ce qui a davantage dégradé son ADN.» Les progrès techniques permettent d’étudier les échantillons très anciens des hommes préhistoriques. L’archéo-génétique va permettre d’aller encore plus loin dans notre compréhension de notre passé.

Source: les travaux ont été publiés le 26 janvier 2014 en langue anglaise dans la revue Nature, obtenir le texte complet de l’étude.

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